El Sicario, l'autobiographie d'un tueur
(LOS ANGELES, États-Unis) Dans son autobiographie intitulée El Sicario, un assassin ayant travaillé pendant 20 ans pour des narcotrafiquants mexicains, et dont la tête est aujourd'hui mise à prix pour 250 000$, parle des meurtres qu'il a commis pour éliminer des journalistes ou punir des cartels rivaux. Un exposé frappant sur la violence et la corruption qui rongent même les échelons les plus élevés du gouvernement.
Parmi les détails macabres contenus dans El Sicario, parmi les exécutions, les enlèvements, les cris des personnes torturées à l'eau et à l'électricité, un élément reste à l'esprit: l'assassin était un policier.
Un officier de la police d'État, payé par le puissant cartel de Juárez pour tuer ou torturer des journalistes, des criminels, des politiciens. Comme plusieurs de ses collègues, il faisait des enlèvements et transportait des cadavres avec sa voiture de police, vêtu de son uniforme officiel.
«Je n'étais plus un homme, dit-il. J'étais toujours saoul et drogué, j'étais un objet. Ma vie consistait à suivre des ordres.»
Aujourd'hui réfugié aux États-Unis sous une nouvelle identité, le Sicario («tueur à gages» en espagnol) a accepté de raconter son histoire aux auteurs Charles Bowden et Molly Molloy. Ils en ont tiré un livre et un documentaire, dans lequel l'assassin apparaît, un voile posé sur la tête et la voix modifiée par un programme informatique.
En entrevue à La Presse, Molly Molloy explique qu'il a fallu du temps pour convaincre le Sicario de parler. «Or, une fois qu'il s'est mis à nous parler, il ne voulait plus arrêter.»
Le Sicario dit avoir commis des meurtres, mais ne précise pas combien. Il affirme connaître l'emplacement de plus de 250 cadavres enterrés dans la région de Ciudad Juárez, ville très violente située à la frontière mexicaine, en face d'El Paso, au Texas.
«C'est un travail, dit-il. On le fait, sinon c'est nous qui allons finir comme le gars qu'on vient de tuer. C'est 24heures sur 24, 365 jours par année. Si notre téléphone cellulaire cesse de fonctionner, c'est qu'on est mort ou que les patrons veulent notre mort.»
Comment un policier devient-il un criminel? Au Mexique, de jeunes hommes sont criminels avant de devenir policiers.
Embauché à 16 ans par des trafiquants pour conduire des voitures du Mexique vers les États-Unis, le Sicario dit s'être enrôlé à l'académie de police à la demande de ses supérieurs.
«À l'académie, le gouvernement nous donnait 150 pesos par mois. Mais les cartels nous payaient 1000$ par mois! Ils savaient qu'à notre sortie, nous allions travailler pour eux. Nous étions en train d'être formés.»
La corruption est aussi présente chez les douaniers et les agents frontaliers américains, dont certains peuvent toucher jusqu'à 50 000$ pour laisser passer un chargement de drogue, dit-il.
L'assassin dit-il la vérité? C'est au lecteur de faire sa propre opinion, notent les auteurs, en introduction du livre.
Mme Molloy dit avoir été renversée par les détails donnés par le Sicario. «C'est une chose de savoir que plus de 85 000 meurtres ont été commis dans le nord du Mexique depuis quatre ans, c'en est une autre d'entendre un tueur parler. Ça nous fait réfléchir sur l'impunité qui règne là-bas.»
Il y a cinq ans, le Sicario a dû fuir le Mexique après avoir fait la fête avec de l'argent qui ne lui appartenait pas. C'est lorsque sa tête a été mise à prix, pour 250 000$, qu'il dit avoir trouvé Dieu, décidé d'arrêter de boire et de changer sa vie en fuyant aux États-Unis avec sa famille.
Il dit regretter d'avoir mené une vie «destructrice». Et il porte un regard critique sur son pays.
«Le président Calderón a un très sérieux problème. Des gens de son entourage sont à la solde des narcotrafiquants. Il n'est pas capable de changer les choses.»
Source CyberPresse
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